L’arrivée du temps froid à Montréal se combine à la diminution des services aux plus démunis. Depuis la fin de septembre, plusieurs ressources en itinérance ont fermé pour une durée indéterminée, faute de main-d’œuvre. « J’ai certainement des craintes pour cet hiver », s’inquiète Sam Watts, PDG de la Mission Bon Accueil.

Les premiers flocons ont fait leur apparition à Montréal cette semaine, en même temps que l’augmentation des besoins. Cette combinaison fait craindre le pire pour les organismes en itinérance de la métropole, qui sont déjà à plein rendement.

Or, alors même que l’hiver arrive, les places au chaud diminuent à Montréal, par manque de main-d’œuvre. Depuis le 21 septembre, trois centres de jour ont annoncé devoir suspendre leurs activités, soit le Carrefour multiservice de l’Accueil Bonneau, et les centres de jour de Chez Doris et de la Rue des femmes.

Jeudi, le refuge de l’Abri de Villeray a aussi dû fermer ses portes temporairement en raison d’une fuite d’eau. Les lieux ont dû être fermés jusqu’au rétablissement du chauffage.

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Le coordonnateur du refuge de Projets autochtones du Québec, Dan Gazut

« Ce qu’on a entendu, c’est qu’énormément de refuges ferment, donc on est très inquiets », dit Dan Gazut, coordonnateur du refuge de Projets autochtones du Québec (PAQ), rue De La Gauchetière.

Je crois que ça va être compliqué à Montréal cet hiver.

Dan Gazut, coordonnateur du refuge de Projets autochtones du Québec

En conférence de presse ce vendredi, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, doit faire le point sur les services qui seront offerts aux sans-abri pour la saison froide. Il sera notamment accompagné de la mairesse de Montréal, Valérie Plante.

Manque de personnel en cause

La pénurie de main-d’œuvre frappe durement le milieu communautaire. « C’est vraiment à contrecœur qu’on a dû fermer le Carrefour multiservice de l’Accueil Bonneau, et c’est par manque de personnel », explique en entrevue la directrice générale Fiona Crossling.

L’organisme du Vieux-Montréal sert quotidiennement un repas à 400 personnes en situation d’itinérance, tout en offrant divers services. Les usagers pouvaient normalement rester pendant la journée dans le centre de jour, ce qui n’est plus possible. « Il faut s’assurer qu’on n’épuise pas les employés qui sont encore là », souligne Mme Crossling.

L’Accueil Bonneau espère pouvoir rouvrir son service avant l’arrivée des grands froids, mais aucune date n’a été fixée. Même son de cloche du côté du centre de jour de l’organisme pour femmes itinérantes de l’ouest du centre-ville Chez Doris. Là, les besoins sont criants et le refuge de nuit, toujours plein.

« En attendant [de rouvrir le centre de jour], on offre des services de vestiaire quand même, deux fois par semaine. On continue de distribuer des articles d’hygiène. Et pour celles qui sont vraiment mal prises, on offre des billets de métro pour qu’elles soient à l’intérieur », rapporte la directrice générale de l’organisme, Marina Boulos-Winton.

Du mouvement dans l’hébergement

À ces suspensions de service s’ajoute la fermeture imminente du refuge situé dans le complexe Guy-Favreau, au centre-ville. Ce dernier compte 85 places.

Un nouveau centre devrait ouvrir dans l’immeuble qui abritait auparavant les Jardins Gordon, à Verdun. Le transfert des usagers devrait se faire dans le courant du mois de novembre, ont rapporté plusieurs médias.

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Le refuge de Projets autochtones du Québec au centre-ville de Montréal

Au centre-ville, 54 nouveaux studios permanents pour hommes sans-abri du pavillon Robert-Lemaire de la Maison du Père verront aussi le jour. Les premiers résidants devraient pouvoir y emménager en décembre, espère la présidente-directrice générale de l’organisme, Jaëlle Begarin.

Tel un jeu de chaise musicale, ces déménagements pourraient libérer des places en refuge, ajoute-t-elle. Malgré tout, la demande est tellement forte que la directrice doute de pouvoir répondre à tous les besoins.

« La règle, c’est de trouver une place quand une personne vient chez nous et qu’on est plein. Mais l’hiver dernier, on ne trouvait rien. Et si la personne ne pouvait aller nulle part, parfois, la seule réponse, c’était d’aller à l’urgence », témoigne-t-elle.

Navettes et nouveau refuge 24/7

Parmi les nouveautés cet hiver, le refuge de PAQ au centre-ville est désormais ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 depuis jeudi. « C’est vraiment permanent, on a embauché plus de 10 personnes dans l’équipe », s’est réjoui Dan Gazut au passage de La Presse jeudi.

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Depuis jeudi, le refuge de Projets autochtones du Québec au centre-ville de Montréal est ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Plusieurs navettes devraient aussi être mises en place cet hiver dans différents secteurs de la métropole pour permettre de transporter les personnes en situation d’itinérance d’une ressource à une autre, ont indiqué plusieurs directeurs à La Presse.

Difficile de savoir si ces services suffiront à répondre à la demande.

« Au début des périodes de grand froid, certains sont prêts à entrer dans des ressources d’urgence, mais on est pris avec une réalité assez triste : il n’y a pas assez de place », déplore Sam Watts, de la Mission Bon Accueil. « Mais une personne en situation d’itinérance n’a pas besoin d’un refuge, rappelle-t-il. Elle a besoin d’un logement. »

Dans une version précédente de ce texte, nous indiquions que l’Abri de Villeray avait annoncé la fin de ses services. Ceux-ci ont plutôt été temporairement suspendus jeudi en raison du bris d’une conduite d’eau. Nos excuses.

En savoir plus
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    Estimation du nombre de personnes en situation d’itinérance visible à Montréal, le 11 octobre 2022
    Source : Dénombrement des personnes en situation d’itinérance visible (2022)